
Entretien | Xavier Gomez, DG de Vancelian : « La tokenisation permet d’ouvrir la finance à ceux qui en étaient exclus »
Traduzione effettuata da Deepl pro
Trader algorithmique chez Credit Suisse, gérant multi-actifs chez Pictet & Cie, entrepreneur dans la DeFi avec MUWPAY et la data avec INVYO... Xavier Gomez incarne cette nouvelle génération de financiers passés du centre aux marges de l’innovation. Aujourd’hui nommé Directeur Général de la fintech Vancelian, il partage pour Finyear sa vision d’une finance hybride, accessible et régulée.
Vous venez d’être nommé Directeur Général de Vancelian. Pourquoi ce choix aujourd’hui ?
C’est une suite logique. Je suivais le projet Vancelian depuis ses débuts en tant qu’Advisor, et j’ai vu l’évolution de l’équipe, la maturité de la technologie, la structuration progressive de l’offre. Aujourd’hui, les planètes sont alignées. Il y a un momentum très fort autour de la tokenisation, des stablecoins, des évolutions réglementaires en Europe comme aux États-Unis. On entre dans une phase d’accélération. Vancelian est bien positionnée pour proposer une alternative crédible à l’épargne et l’investissement classiques, avec des produits performants, accessibles, et surtout régulés.
Vous avez eu un parcours très institutionnel avant cela. Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter le monde bancaire traditionnel ?
J’ai commencé chez Credit Suisse comme trader algorithmique, avant d’évoluer dans différentes fonctions : vente de produits dérivés, trésorier du groupe, puis responsable d’activités liées à la gestion d’actifs et à la banque privée Pictet & Cie. C’était une école d’excellence, mais j’en ai aussi vu certaines limites : une architecture informatique obsolète, des arbitrages constants pour faire évoluer les produits et surtout, une forme d’inertie inhérente aux grands groupes avec la pression grandissante de la réglementation. On voyait émerger des tendances, mais le système peinait à suivre. L’innovation était freinée par les contraintes structurelles.
Votre passage au MIT a été un tournant. Pourquoi ?
En 2016, j’ai intégré une formation spécialisée sur la fintech au MIT, à Boston. C’était le seul programme de ce type à l’époque. J’ai été impressionné par le niveau des professeurs avec des figures comme Reid Hoffman (co-fondateur de LinkedIn) ou Gary Gensler (ancien patron de la SEC), par l’approche pédagogique et par le pragmatisme américain. Tout cela m’a fait changer de perspective. C’est là que j’ai découvert sérieusement la blockchain et la finance décentralisée. J’ai compris que cette technologie pouvait transformer en profondeur la manière dont on conçoit, distribue et consomme les services financiers.
Et pourtant, à votre retour, ce sujet n’était pas encore pris au sérieux ?
Exactement. Quand je suis revenu dans le monde bancaire, j’ai essayé de pousser certains projets sur la crypto ou la tokenisation. On m’a répondu que ce n’était pas la priorité. C’est là qu’est née une vraie frustration. Je voyais une vague arriver, mais les grandes institutions restaient figées. C’est aussi à ce moment-là que j’ai vu certains de mes collègues bifurquer. Je pense à Nikolay Storonsky, avec qui j’ai travaillé à Londres et qui a fondé Revolut. Il faisait partie de notre “promotion” non officielle de trentenaires qui voulaient faire bouger les lignes. Il m’a beaucoup inspiré.
Ce qui vous mène à l’entrepreneuriat…
Oui. J’ai cofondé INVYO avec un ancien de Credit Suisse. On fournissait de la data qualifiée aux acteurs du private equity, en utilisant le machine learning et le NLP. Puis j’ai lancé MUWPAY, une plateforme orientée finance décentralisée. Et parallèlement, j’ai accompagné en tant que consultant des fintechs, des banques et même des régulateurs sur des sujets liés à la blockchain, à la DeFi et à l’architecture financière de demain. Cela m’a permis d’avoir une vision transversale de l’évolution du secteur.
Qu’apporte concrètement la blockchain à l’épargne et à l’investissement ?
C’est un outil de démocratisation, ni plus ni moins. Elle permet d’automatiser des process via les smart contracts, de réduire drastiquement les coûts de traitement, et de rendre transparents les flux financiers. C’est surtout une technologie accessible, disponible 24/7, interopérable, qui élimine certains biais humains. La finance traditionnelle, avec ses couches de validation, ses horaires, ses systèmes rigides, ne permettait pas cette fluidité. Là, on peut proposer des produits réellement adaptés à chaque profil, y compris à des publics qui n’étaient pas servis jusque-là.
C’est la mission que vous portez chez Vancelian ?
Oui, clairement. Vancelian veut proposer des produits d’épargne et d’investissement appuyés sur les RWA (real-world assets ou actifs du monde réél) et sur la tokenisation. Des produits performants, mais encore inaccessibles à la majorité des épargnants. Nous voulons casser cette barrière. Être un acteur régulé, simple d’usage et avec une expérience fluide. Nous nous adressons pour le moment aux particuliers, et nous envisageons de le faire pour les entreprises, notamment sur les problématiques de trésorerie. L’idée, c’est de proposer des solutions innovantes sans faire de compromis sur la confiance ou la conformité.
Vous êtes aussi membre du Conseil de surveillance de la Banque Delubac & Cie. Que vous apporte ce rôle ?
Delubac est une banque avec plus d’un siècle d’histoire. Elle fait partie des tous premiers établissements bancaires régulés à avoir mis en place une offre de produits et services sur les actifs digitaux à destination de sa clientèle entreprise. J’y participe aux réflexions stratégiques sur la gouvernance, la transformation digitale, l’innovation. Ce rôle m’aide à garder un lien avec les enjeux des institutions financières plus traditionnelles, et à mesurer les freins ou les leviers concrets de leur transition.
Sur le plan géographique, vous parlez souvent des Émirats arabes unis. Pourquoi ?
Le Moyen-Orient, et en particulier Dubaï et Abu Dhabi, est en train de devenir une plaque tournante de la finance digitale. Des régulateurs comme VARA ou ADGM structurent le cadre, les fonds publics investissent massivement, et il existe une vraie volonté politique. On y trouve à la fois l’agilité réglementaire, les ressources et une approche business-friendly. C’est une zone stratégique pour nous et Vancelian prévoit d’y développer ses activités.
Et l’Europe ? Est-elle encore en position de force ?
La France a été pionnière, avec la loi PACTE, MiCA, et l’engagement de personnalités comme Anne Maréchal, ancienne directrice juridique de l’AMF qui a beaucoup travaillé avec le président Macron. Mais aujourd’hui, on risque une Europe à plusieurs vitesses. Certains États, comme Malte ou Chypre, ont été rappelés à l’ordre sur des sujets de blanchiment ou de régulation trop souple. Le cadre européen avance, mais il reste perfectible. Il faut une harmonisation réelle, sinon les entrepreneurs iront là où c’est plus simple et plus clair, notamment aux États-Unis.
Au-delà des textes, y a-t-il des freins plus profonds à l’adoption de la DeFi en Europe ?
Oui, des freins culturels et techniques. En France, la culture financière est encore faible, l’éducation en la matière n’est pas au niveau. Parler d’argent reste tabou et techniquement, les banques ont des systèmes vieillissants, peu interopérables. En face, les protocoles DeFi proposent des architectures ouvertes, modifiables et adaptables. L’écart est énorme, mais je suis optimiste : il y a une « école française » de la finance de marché, très solide, et on voit de plus en plus de profils français à la tête de projets Web3 et blockchain dans le monde.
Quelle est l’ambition de Vancelian à court et moyen terme ?
Être une plateforme de référence, française, régulée, pour accéder à une offre d’épargne et d’investissement performante, bâtie sur la technologie blockchain. Et faire cela en conservant l’exigence de la finance institutionnelle. Nous voulons accompagner les particuliers comme les entreprises dans une nouvelle relation à leur argent, plus fluide, plus transparente, plus efficace. Et ce, en France, en Europe, mais aussi à l’international.
Si vous deviez transmettre un conseil à un jeune qui débute dans la finance aujourd’hui, que lui diriez-vous ?
Je lui dirais d’oser. Je viens d’un milieu modeste et on m’a souvent dit que ce monde n’était pas pour moi. J’ai avancé étape par étape, en me formant et en m’entourant. Il ne faut pas attendre qu’on vous donne la permission d’agir, il faut avancer et créer sa propre trajectoire.
Manon Triniac