
Lecture des marchés – Cycles macro et vision stratégique | T2 2025
Le point de vue macro – Septembre 2025
Jean Guillou – Chief Investment Officer – Automata Groupe / Vancelian
Les étoiles sont alignées pour une fin d’année déterminante
Bitcoin s’impose comme un actif de référence dans un cycle mondial en mutation
En cette rentrée 2025, les signaux macroéconomiques, géopolitiques et techniques convergent. Ce que nous observons ne relève pas d’une simple tendance de reprise du marché, mais bien d’un basculement structurel. Le cadre global dans lequel évoluent les investisseurs est en train d’être redéfini. L’économie du XXIᵉ siècle se dessine sous nos yeux, portée par une guerre économique et technologique qui redonne à l’investissement dans les infrastructures un rôle central, notamment aux États-Unis.
Une dynamique économique et monétaire sans précédent
L’environnement reste exceptionnellement favorable aux actifs à risque. Aux États-Unis, la conjonction d’un soutien budgétaire massif, d’un afflux de capitaux internationaux et d’une stabilisation des prix de l’énergie agit comme un puissant catalyseur. Une forme d’assouplissement monétaire indirect s’installe, sans que la Réserve fédérale n’ait encore officiellement engagé son pivot. Ce contexte alimente la croissance et stimule les actifs financiers, en particulier ceux liés aux grandes ruptures technologiques.
L’exemple le plus emblématique de cette dynamique est sans doute la progression spectaculaire de plus de 40 % de l’action Oracle, soutenue par un carnet de commandes record dans les infrastructures d’IA. Cette envolée a propulsé son CEO, Larry Ellison, au rang d’homme le plus riche du monde, devant Elon Musk. Ce type de trajectoire illustre la force de l’investissement thématique dans un cycle tiré par la transformation digitale des économies.
Sur le plan réglementaire, les États-Unis comme les Émirats arabes unis adoptent une posture de plus en plus lisible : l’intégration des cryptoactifs dans les systèmes financiers devient une priorité stratégique. C’est dans ce cadre que se développent les Digital Asset Treasuries (DATs) — trésoreries d’entreprise allouées partiellement en Bitcoin ou stablecoins — un phénomène en pleine accélération sur le territoire américain, qui reflète un changement profond de doctrine monétaire et de gestion de bilan.
Cette orientation pro-crypto aux États-Unis ne saurait être dissociée de l’opportunité historique que représente la dollarisation numérique mondiale via les stablecoins. À travers eux, se profile un nouveau vecteur de financement indirect de la dette américaine, qui pourrait permettre d’absorber plusieurs décennies de surendettement en capitalisant sur l’exportation du dollar numérique. Cette stratégie s’inscrit dans une logique de fragmentation de la mondialisation, amorcée par la guerre commerciale et les politiques de taxation douanière sous l’administration précédente.
Dans ce nouveau paysage, l’équilibre monétaire mondial continue de se reconfigurer. Le dollar perd progressivement de sa domination en tant que réserve de valeur unique, dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes. L’or dépasse les 3 600 $ et renforce son statut de valeur refuge, avec un potentiel d’appréciation intact en direction des 4 700 $. Mais c’est surtout le Bitcoin, désormais perçu comme une version numérique de l’or, qui capte l’attention d’un nombre croissant d’investisseurs à la recherche d’une double fonction : couverture systémique et moteur de performance.
Bitcoin : pilier du cycle actuel
Bitcoin se stabilise autour de 114 000 $, dans une dynamique de consolidation saine. La perspective d’une reprise haussière reste ouverte avec un objectif technique à 140 000 $ d’ici la fin d’année. Si ce niveau est franchi avec confirmation (clôture hebdomadaire durable), un scénario vers 190 000 $ en 2026 devient envisageable dans l’hypothèse d’un cycle désinflationniste maintenu.
Cette dynamique s’appuie sur trois fondations :
Une réallocation structurelle du capital vers des actifs décentralisés, résilients et difficilement saisissables par une régulation unifiée.
L’essor des flux institutionnels à travers ETF spot, gestion active et déploiement de trésorerie via DATs.
Une corrélation croissante avec les chantiers technologiques majeurs de la décennie : intelligence artificielle, blockchain, infrastructures numériques tokenisées.
Dans le même temps, les produits d’épargne traditionnels perdent leur capacité à jouer un rôle défensif. Les taux réels restent faibles, la soutenabilité de la dette publique interroge, et les risques systémiques (inflation, refinancement, instabilité monétaire) refont surface.
Les stablecoins indexés sur le dollar s’imposent comme la nouvelle colonne vertébrale des flux financiers globaux à venir. À l’inverse, l’EURC reste sous-déployé, freiné par un environnement réglementaire européen plus restrictif (MICA) et moins incitatif à l’adoption à l’échelle européenne et globale.
Risques à surveiller pour le second semestre
Malgré un contexte globalement constructif, plusieurs facteurs exogènes doivent être monitorés pour le semestre à venir :
Une reprise de l’inflation, en particulier via les matières premières ou l’énergie, pourrait retarder le pivot monétaire tant attendu ou du moins sa vitesse de baisse de taux.
Un durcissement réglementaire ciblé, sur les stablecoins ou les DATs, pourrait freiner temporairement l’adoption institutionnelle et ralentir la réallocation de capitaux observé aujourd’hui.
Une dégradation géopolitique brutale, dans un scénario de confrontation directe entre puissances économiques, resterait le principal risque systémique. Toutefois, les signaux actuels suggèrent une forme de stabilisation pragmatique entre les blocs puissants (États-Unis, Chine, Russie).
Le second semestre 2025 marque sans doute l’un des tournants les plus profonds depuis la création du Bitcoin. Nous ne sommes plus dans un cycle spéculatif classique, mais dans un réalignement global des logiques de croissance, d’investissement et de souveraineté monétaire.
La transformation en cours est technologique, monétaire, politique et générationnelle. Elle est globale. Elle est irréversible.
Et à court terme, elle pourrait continuer de profiter, de manière robuste, aux actifs à risque — en particulier ceux adossés à l’économie numérique et décentralisée, à la finance tokenisée, et aux infrastructures souveraines garantes de la maitrise de ce nouveau cycle.
Jean Guillou
Chief Investment Officer
Automata Groupe / Vancelian